Les lombalgies sont en cause dans un accident de travail sur cinq, tant la fréquence de ces douleurs lombaires est élevée en France. Quel médicament peut être utilisé pour soulager utilement les douleurs ? La question de l’intérêt des médicaments opioïdes a récemment été tranchée dans une étude, publiée dans la revue scientifique The Lancet.
Lombalgie aiguë et médicaments opioïdes
Face à la lombalgie aiguë, les récentes campagnes de sensibilisation nous ont rappelé l’importance de rester en mouvement pour que les douleurs lombaires ne tendent pas à devenir chroniques. Et côté médicament, quelles sont les options et quel est leur intérêt respectif ? Si le paracétamol et les antiinflammatoires non stéroïdiens sont les médicaments antalgiques de première intention, l’intensité des douleurs lombaires amène parfois à envisager le recours aux médicaments antalgiques de palier 2 voire de palier 3, notamment des médicaments opioïdes (ou médicaments opiacées, c’est-à-dire des dérivés de la morphine).
En pratique clinique, les médicaments opioïdes sont fréquemment prescrits pour soulager les douleurs lombaires aiguës, mais leur efficacité clinique dans cette indication reste mal étayée scientifiquement. Pourtant, ces médicaments sont loin d’être anodins, avec des effets secondaires souvent importants et un risque majeur d’accoutumance et de dépendance. Récemment des chercheurs ont mené un essai clinique (essai OPAL), randomisé, contrôlé contre placebo, en triple aveugle pour évaluer l’intérêt des médicaments opioïdes dans les lombalgies aiguës et les douleurs cervicales.
Pas d’intérêt des opioïdes dans la lombalgie aiguë
Au total, 347 participants, âgés d’au moins 18 ans, ont été recrutés entre février 2016 et mars 2022 dans l’un des 157 sites de soins primaires australiens associés à l’essai OPAL. Tous ces participants présentaient des douleurs lombaires aiguës (moins de 12 semaines) et/ou cervicales, avec une gravité de douleur modérée à sévère. Aléatoirement, les patients ont été répartis en deux groupes :
- Un groupe de 174 patients a reçu les traitements médicamenteux de première intention et un médicament opioïde ;
- Un groupe de 173 patients a reçu les soins de première intention et un placebo.
Les durées de traitement pouvaient s’étaler sur 6 semaines au total.
Après 6 semaines, le score moyen de douleur était de 2.78 dans le groupe opioïde contre 2.25 dans le groupe placebo. De plus, les participants du groupe opioïde ont déclaré davantage d’effets indésirables que les participants du groupe placebo, en particulier des effets secondaires caractéristiques des médicaments opioïdes, comme la constipation. Ces données vont dans le sens d’un manque d’intérêt clinique à prescrire des médicaments opioïdes dans les lombalgies et cervicalgies aiguës. Les autres traitements sont à privilégier, c’est-à-dire le mouvement et les antalgiques de palier 1.
Et dans la lombalgie chronique ?
Si cette nouvelle étude tend à démontrer l’inutilité des médicaments opioïdes dans le traitement des douleurs lombaires aiguës, qu’en est-il dans la lombalgie chronique ? En 2010, une importante revue de littérature avait fait le point sur l’intérêt des médicaments opioïdes dans les douleurs lombaires chroniques. Les données issues des études révélaient des résultats contradictoires d’une étude à l’autre, rendant impossible une conclusion générale. Pour les auteurs de la revue, les preuves de l’intérêt de ces médicaments dans les lombalgies chroniques n’étaient pas réunies.
Il semble donc qu’à la fois dans les lombalgies aiguës et chroniques, le recours aux médicaments opioïdes ne soit pas associé à un bénéfice clinique significatif. Compte-tenu des risques associés à la prescription de ces médicaments, il apparait nécessaire de restreindre les indications et donc de limiter leur usage dans le traitement des douleurs lombaires, quelle qu’en soit la durée !
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Administration d’opiacés pour le traitement des lombalgies chroniques. www.cochrane.org. Consulté le 10 juillet 2023.