Situation • Causes • Conséquences • La réalité • Que faire ?
Situation
Un sentiment de fragilité…
Pour le patient lombalgique qui se sent fragile, ce sentiment de fragilité lié à la lombalgie s’exprime par la crainte, lors d’un effort, de provoquer des dommages à sa colonne vertébrale.
A la peur de la douleur, s’ajoute donc la peur d’une destruction, d’une fracture ou d’une usure anormale d’éléments anatomiques, due à une fragilité particulière du patient. Ce patient pense que ce qui, chez d’autres personnes serait anodin (comme se baisser ou courir), peut provoquer chez lui des dommages irrémédiables.
Exemples d’expression du sentiment de fragilité :
- « J’ai pris conscience de ma fragilité lorsque, à cause de la douleur, j’ai dû renoncer à porter des charges, courir, nager la brasse, faire des activités sportives, voire même dormir sur le ventre. »
- « J’ai remarqué qu’à chaque fois que je bouge sans faire attention, je me déclenche une douleur. Pour moi, c’est le signal d’alarme qui signifie que ma colonne s’abîme. Pour ne pas aggraver l’état de ma colonne, j’essaie donc d’éviter tout ce qui me fait mal. »
…confirmé par l’expérimentation…
Une fois la pensée de fragilité installée, le patient lombalgique va régulièrement vérifier sa justesse :
- soit involontairement : il fait un effort et la douleur apparaît,
- soit volontairement : le patient teste si un geste ou une position qu’il sait douloureuse l’est encore, si la douleur apparaît à nouveau.
Dans les deux cas, le patient interprète cette douleur comme le signe avant-coureur d’une possible rupture ou d’un autre dommage, et donc d’une certaine fragilité.
Ainsi, le patient qui se pense fragile confirme régulièrement qu’il est bien fragile.
…et entretenu par l’entourage.
Le sentiment de fragilité des lombalgiques est souvent plus développé dans leur entourage que chez les lombalgiques eux-mêmes.
Pour l’entourage, l’incompréhension du mécanisme de la lombalgie, la frustration de l’impuissance face à la douleur peuvent être la cause d’une angoisse exagérée et d’une surprotection du patient lombalgique.
Si le lombalgique se pense fragile, son entourage ne pourra que le soutenir dans cette pensée. Il est en effet difficile d’imaginer quelqu’un dire « mais non tu n’es pas fragile », surtout si il arrive accident après.
Par contre dire à quelqu’un « fais attention à toi » permet à la fois d’être dans le soutien (et pas dans le conflit) et de ne pas se tromper ( en cas d’accident, on avait prévenu ; en absence d’accident, c’est parce qu’on avait prévenu ! ).
C’est pourquoi généralement l’entourage surprotège et renforce le sentiment de fragilité du patient lombalgique.
Causes
Confusion douleur-dommage
Le patient qui se sent fragile confond en général douleur et dommages.
La douleur est une sensation qui provient du mécanisme suivant :
- une compression des tissus au niveau lombaire est détectée par des terminaisons nerveuses,
- les nerfs transmettent au cerveau cette information,
- le cerveau décode cette information pour produire la sensation de douleur.
La douleur est donc un phénomène objectif lié à une souffrance locale des tissus réelle, mais sans que les tissus ou les structures articulaires ne soient nécessairement endommagés. Généralement c’est une contraction persistante des muscles qui déclenche la douleur.
Le patient qui se sent fragile imagine lui des dommages comme une fracture, l’usure prématurée, la rupture de ligaments ou de muscles… Ce qui n’a rien à voir avec la sensation de douleur, même si souvent ces dommages produisent aussi de la douleur.
Le patient qui se sent fragile confond donc souvent douleur et dommages. S,i dans un mouvement, il ressent une douleur, il pense « je risque de m’abîmer le dos », ou pire « je suis en train de m’abîmer le dos ».
Des pensées erronées
Le patient lombalgique qui se pense fragile a en général un ensemble de pensées erronées du type :
- « quand j’ai mal c’est pour m’avertir que je risque un accident »,
- « mon dos est particulièrement fragile, je risque une fracture plus que les autres »,
- « si je n’écoute pas ma douleur, je risque l’accident ».
Ces pensées sont erronées car elles ne correspondent pas à la réalité, mais pour le patient ce sont des vérités que l’on ne peut remettre en question et qui dictent à la fois ses pensées et ses comportements.
Une expérimentation faussée
Le patient lombalgique qui se pense fragile essaie souvent de vérifier s’il a bien raison de penser ainsi.
Pour cela, il pratique en général une expérience du type :
- je me mets dans une situation difficile
- je constate si j’ai mal, si je sens une fragilité dans mon dos,
- je teste si mes mouvements sont libres ou si la « fragilité » de mon dos les limitent.
Cette expérience amène en général à des constatations négatives : la douleur apparaît et limite les mouvements. Le patient ressent cette douleur et la confond avec un sentiment de fragilité. Ceci confirme son sentiment initial de fragilité. De plus, l’hyper-vigilance exagère la perception de la douleur, donc le sentiment de fragilité.
Conséquences
Hyper-vigilance à la douleur
Le sentiment de fragilité augmente la peur du patient. Il cherche à tout prix à protéger sa colonne vertébrale, à ne pas provoquer de dommages. Pour ce patient, la douleur est un signe de danger. Quand il a mal, il pense « attention, je risque d’abîmer ma colonne vertébrale » ou « je suis en train d’abîmer ma colonne vertébrale ».
Le patient lombalgique qui se sent fragile est donc en hyper-vigilance par rapport à la douleur. C’est à dire qu’il se pose sans arrêt la question de savoir s’il a mal.
Cette hyper-vigilance amène la détection de douleur à des niveaux très faibles. La douleur perturbe exagérément sa vie quotidienne et va plus facilement amener des changements dans son comportements (évitement d’activité, retrait de la vie professionnelle ou sociale…) amenant un glissement progressif vers le handicap.
Hyper-réaction à la douleur
Le sentiment de fragilité amène une hyper-réaction à la douleur.
En effet, la douleur n’est plus simplement une sensation désagréable, inconfortable, voire insupportable, qu’il faut essayer d’éviter, mais c’est le signe d’un danger beaucoup plus grave (fracture, rupture, dommages…). Il faut donc réagir vite et de façon radicale dès que la douleur apparaît.
Les mécanismes de renoncement, de contraction musculaire, d’isolement social, classiques chez le patient lombalgique, sont donc exacerbés chez le patient lombalgique qui en plus est convaincu d’une fragilité particulière de sa colonne vertébrale.
La réalité
La relation douleur et fragilité en général
On peut avoir une douleur sans fragilité : par exemple les muscles se contractent et compriment les nerfs, ce qui est douloureux, mais en aucun cas ne correspond à une fragilité (les os, articulations ou même les structures musculaires ne sont pas endommagées lors d’une telle contraction).
On peut d’ailleurs avoir une fragilité sans douleur : l’ostéoporose féminine par exemple correspond à une grande fragilité, qui peut se traduire par des fractures, y compris de la colonne vertébrale, mais elle n’est pas douloureuse (tant qu’une fracture ne s’est pas produite).
Fragilité et douleur sont donc souvent sans rapport dans le corps humain.
Dans le cas de la lombalgie
Dans le cas précis de la lombalgie, la notion de fragilité est sans fondement. La colonne vertébrale est particulièrement solide.
Il y a chez le patient lombalgique une sensibilité, une tendance à la douleur. Par rapport à un patient non lombalgique, il va déclencher plus facilement des douleurs lombaires lors d’un effort ou au repos.
Il n’y a pas, par contre, de fragilité particulière. On ne constate pas plus de fractures osseuses ou de ruptures ligamentaires chez les patients lombalgiques que chez les non lombalgiques.
La douleur n’est donc pas le signal d’une fragilité, mais bien le signal de mauvaises pratiques ou positions, de modes de vie inadaptés, etc.
Le vrai risque : le handicap plutôt qu’un accident
Le risque majeur de la lombalgie n’est pas un accident qui serait lié à une fragilité, mais le risque de handicap, conséquence du renoncement ou de l’isolement social, professionnel et affectif.
Les mesures à prendre pour éviter ce handicap (maintenir de l’activité, gérer la douleur, faire des exercices physiques…) sont opposées à celles que prend naturellement le patient qui se sent fragile (il diminue son activité, renonce dès que la douleur apparaît, limite ses efforts…)
En se concentrant sur une fragilité imaginaire, le patient lombalgique se détourne de son vrai combat : la lutte contre le handicap progressif. Il met même en œuvre les processus qui lui feront perdre ce combat.
Que faire ?
Principe général
Pour ne plus se sentir à tort fragile, il convient de mettre en œuvre trois actions :
- admettre que l’on n’est pas fragile,
- lutter contre les pensées erronées,
- éduquer son entourage.
C’est la conjonction de ces actions qui permet de ne plus se sentir fragile, et donc de pouvoir avoir une activité normale, en limitant les risques de passage au handicap.
Se rassurer sur les risques
Avant tout, vous devez admettre que vous n’êtes pas fragile. Certains mouvements ou certains états comme la fatigue ou le stress peuvent générer une douleur. Ceci peut vous gêner dans votre activité quotidienne, mais vous n’avez pas de fragilité au sens de « quelque chose qui pourrait se rompre ou être endommagé » et dont vous seriez prévenu par votre douleur.
Vous pouvez demander à votre médecin de confirmer ceci.
Lutter contre ses pensées erronées
Les pensées erronées sont une pollution de la vie courante qui vous amène à des comportements inadaptés.
Vous devez faire en sorte de ne plus penser à tort « je suis fragile » ou « je risque d’abîmer quelque chose dans ma colonne vertébrale ».
Le module « pensées automatiques erronées » vous aidera dans ce travail.
Éduquer son entourage
Parlez de cette démarche à votre entourage. Ce que vous avez fait pour vous, sur la notion de fragilité et de douleur ainsi que la lutte contre les pensées erronées, doit être fait avec votre entourage, au moins avec vos proches.