Principe
Privé de vaisselle !
Franck, sa femme et ses trois enfants (10, 12 et 15 ans) viennent de finir de dîner. Les deux plus jeunes son montés dans leur chambre, alors que l’aîné traîne devant la télévision en compagnie de son père…
Adeline Martin, le femme de Franck, débarrasse la table.
« Attends, chérie, je vais t’aider, dit Franck en se levant de son fauteuil.
– Non laisse, ne va pas te faire mal à ton dos,
– C’est vrai, le lave-vaisselle n’est pas très pratique pour moi, il faut se baisser pour y accéder, nous aurions dû le mettre en hauteur,
– Luc, dit Adeline en s’adressant à son aîné, au lieu de regarder ces niaiseries à la télévision, vient donc m’aider,
– Oui, Luc, il est temps que tu aides ta mère, surtout que je ne peux pas toujours le faire à cause de ce fichu dos. »
Franck se rassoit, prend la télécommande et recherche quelque chose à regarder à la télévision pendant que son fils aide maintenant Adeline à laver la vaisselle.
«- Ensuite, tu iras voir si les petits sont couchés, s’il te plaît Luc. »
Quelle est votre analyse de cette situation ?
- Notez-la sur une feuille.
- Une fois fait, cliquez sur « Analyse » afin de découvrir l’analyse qui devait-être faite.
Analyse
Franck Martin est en train de perdre sa place dans la structure familiale, qui est partiellement prise par son fils. Son fils aide sa femme, mais aussi prend le rôle du père auprès des plus jeune, alors que lui-même se retrouve cantonné à une tâche sans intérêt (« niaiseries à la télévision »). Franck accepte cette évolution, qui est favorisée par la surprotection mise en place par sa femme (« ne vas pas te faire mal à ton dos »).
Au-delà de la non-participation aux tâches de la vie courante, on sent que vont se poser des problèmes d’estime de soi, d’autorité paternelle et d’isolement affectif.
Causes
Les tâches ménagères : introduction
Les tâches ménagères comprennent toutes les activités de nettoyage (vaisselle, linge, sols, meubles, …), rangement, cuisine (préparer les repas, mettre la table, la débarrasser…), pratiquées quotidiennement dans un foyer.
Ces tâches représentent une activité physique quotidienne importante (une à plusieurs heures par jour) et variée dans les mouvements effectués. C’est souvent la principale activité physique quotidienne (notamment pour une personne au travail sédentaire).
Dans une famille, ces tâches participent à la cohésion sociales, soit parce qu’elles sont partagées, soit parce que leur résultat concerne des actes sociaux importants (repas pris ensemble, linge propre, intérieur agréable …).
Principes
La non participation aux tâches ménagères relève de 4 mécanismes :
- la gêne technique,
- le confort,
- la sur-protection sociale,
- la non-sollicitation sociale.
La gêne technique
Ceci d’autant plus que ces tâches imposent des positions inconfortables prolongées, comme par exemple faire la vaisselle ou éplucher des légumes devant un évier, ou passer l’aspirateur dans une pièce.
Certaines de ces tâches peuvent même aggraver la lombalgie.
Le confort
C’est rarement une dure punition de ne pas pouvoir participer aux tâches ménagères…
C’est un des facteurs qui favorise le renoncement à ces tâches par le patient lombalgique, mélange de facilité voire de paresse et de peu d’intérêt de ces tâches.
La sur-protection sociale
La sur-protection sociale consiste pour les proches du patient lombalgique à le dissuader de participer aux tâches ménagères.
Cette sur-protection est principalement due à la peur des proches que le patient lombalgique ne se fasse mal lors de la réalisation de ces tâches.
Elle se manifeste par des conseils du type : « fais attention à toi », « ne prends pas de risque », « reste assis, on s’en occupe » « repose toi donc, ce n’est pas pour toi »…
La non-sollicitation
La non-sollicitation consiste pour les proches du patient lombalgique à ne plus lui proposer de participer aux tâches ménagères.
Il n’existe plus ni demande (« peux-tu m’aider »), ni reproche (« tu pourrais m’aider »). Le patient lombalgique est de fait totalement exclu de ces activités.
Après un certain temps, le patient lombalgique en oublie quasiment même l’existence.
Conséquences
Globalement
Le patient lombalgique a souvent tendance à ne plus participer aux tâches ménagères.
Cette non participation aux tâches ménagères peut avoir pour conséquences :
- sédentarité,
- désadaptation à l’effort,
- isolement social, voire affectif.
Sédentarité
Les tâches ménagères ne sont souvent pas cataloguées comme « activité physique » (et encore moins comme activité sportive). Néanmoins, comme elles représentent une grande partie de l’activité quotidienne d’une personne, leur arrêt amène automatiquement une augmentation de la sédentarité.
Le patient lombalgique qui renonce à participer aux tâches ménagères devient nettement plus sédentaire (à moins qu’il ne lui vienne l’idée, rare, de les remplacer par une demi-heure de marche quotidienne). Cette sédentarité diminue la résistance du patient lombalgique à la fatigue et ses capacités musculaires. Lors d’un effort, plus vite fatigué et moins puissant, le patient lombalgique sollicitera plus ses lombaires et aggravera sa lombalgie.
Désadaptation à l’effort
Les tâches ménagères représentent une grande variété d’efforts (se baisser, se lever, se pencher, se retourner, porter, pousser, tirer,…).
Leur arrêt entraîne : une perte de souplesse, de tonus, une diminution de l’aptitude à imaginer, gérer et mettre en oeuvre une variété de solutions pour accomplir une tâche.
On pourrait comparer le patient lombalgique à un footballeur qui ne s’entraîne plus qu’à tirer des penalties. S’il se retrouve avec la balle dans le jeu, il ne sait plus s’il doit dribler ou faire une passe, et il a perdu les compétences physiques et intellectuelles à faire l’un comme l’autre. Il va alors simplement tirer dans le ballon, comme s’il s’agissait d’un penalty…
L’arrêt des tâches ménagères favorise donc la désadaptation à l’effort : face à une action à accomplir, le patient lombalgique aura plus de difficultés à mettre en œuvre une façon efficace de la réaliser.
Isolement social
Le partage de toute tâche crée du lien social, même les tâches les plus simples ou les moins nobles. Le lien social n’est pas lié qu’aux grandes tâches nobles et glorieuses, mais plutôt à l’accumulation du partage de petites tâches répétées et souvent obscures effectuées en commun.
Le lien social peut provenir d’un choix fait en commun (« que mange-t-on au prochain repas ? »), de l’entraide dans une tâche (« aide-moi à porter cela, donne-moi cela, … »), de la transmission de savoirs ou savoir-faire (accrocher un tableau, programmer un lave-linge, repasser des vêtements fragiles, recoudre un bouton…).
La non participation aux tâches ménagères diminue insidieusement le lien social familial, ce qui peut entraîner une diminution du moral du patient, voire un état semi-dépressif, un repli du patient sur lui-même, la difficulté seul à affronter ses difficultés et à se motiver pour participer à l’amélioration de son état…
Enfin, des effets néfastes pour les proches peuvent apparaître, notamment du fait d’une insuffisante présence auprès d’un enfant ou d’un conjoint : déficit affectif, manque du modèle pour l’enfant, perte d’autorité du parent, …
Reprendre les activités ménagères
Et vous, où en êtes-vous ?
Notez de 0 à 5 votre niveau de participation à chacune des tâches ci-dessous.
0 : ne participe pas
5 : participe très activement
La différence entre AVANT et MAINTENANT vous indique la perte liée à votre lombalgie.
La différence entre MAINTENANT et DEMAIN vous indique votre objectif à court terme de reprise des tâches ménagères.
Encore faut-il savoir comment effectuer cette reprise… C’est le but de la formation « Reprendre les activités ménagères ».
Choisir les tâches
Choisissez vos objectifs en fonction de vos moyens.
Dans votre processus de réintégration, commencez par les tâches les plus faciles. Si passer l’aspirateur est douloureux mais faire la cuisine est acceptable, commencez par cuisiner…
Selon vos capacités, vous pourrez aller vite ou lentement. Cela dépend en grande partie de votre niveau de désadaptation. Quoi qu’il en soit, il y a toujours une tâche ménagère que vous pourrez reprendre et qui vous permettra de vous réinsérez dans la vie de famille, diminuer votre sédentarité et vous réadapter à la pratique d’une activité.
Adapter les méthodes
Si éplucher des légumes debout devant l’évier vous fait mal au dos, épluchez-les ailleurs (assis à la table de la cuisine par exemple).
D’ailleurs, il n’y a pas que vous qui souffrez dans une mauvaise position. Faites comme tout le monde, ne renoncez pas face à la douleur mais adaptez votre pratique pour pouvoir réaliser vos objectifs avec un niveau de douleur supportable.
Éduquer l’entourage
Lorsque, en tant que patient lombalgique, vous reprenez des tâches auxquelles vous aviez renoncé, vous risquez de vous heurter à la sur-protection de votre entourage. Elle se manifeste par des remarques comme « laisse donc tu vas te faire mal », « fais attention à ton dos » , « es-tu sûr que tu peux faire cela sans danger ? ». Ces remarques sont déstabilisantes et décourageantes. Elles peuvent vous ramener à l’inaction (par un mélange de crainte, de confort et de manque de confort en vous).
Avant de reprendre des activités délaissés, expliquez à vos proches que :
- ces activités ne sont pas dangereuses pour un patient lombalgique,
- elles sont bénéfique au maintien de votre moral,
- vous pouvez juger vous-même si vous « en faites trop» ou non,
vous avez besoin de l’aide de vos proches pour rester actif et éviter l’isolement.
Être pro-actif
C’est à vous de prendre en main votre participation aux tâches ménagères. Votre entourage ne sera pas le moteur de cette action. Si vous ne faites rien, vous risquez de glisser lentement vers l’isolement social.
Comme pour toute la prise en charge de votre lombalgie, vous devez donc être un acteur, aux côté de vos soignants et vos proches.